« Je confesse que je suis un touriste apathique, et même décourageant ; j'attends que les choses retiennent mon attention, qu'elles me raccrochent, qu'elles me fassent de l'œil. »
En cette année 1949, Henri Calet fonctionne comme à son habitude, à
savoir : à contretemps. Il endosse une fausse identité – journaliste
spécialisé dans l'industrie du gaz ! –, se fait inviter à des colloques
où il n'entend rien, et profite ainsi de l'Italie, « à la paresseuse ».
Il arpente Rome, Venise, à la recherche de femmes superbes, succombe au
charme des apéritifs au goût amer et se métamorphose en pilier de
bistrot, flâne dans des ruelles mal famées du côté du palais Farnèse
quand il faudrait courir visiter le Panthéon, s'encanaille by nigth dans les casinos du Lido, frémit dans les labyrinthes vénitiens, s'affole sur le Grand Canal. Il monte à bord « d'un petit vapeur (vaporetto)
surchargé de monde. Nous étions serrés les uns contre les autres, ainsi
que dans le métro aux heures de pointe, ce qui m'empêchait de
m'extasier de façon convenable devant les palais que mon ami nommait au
passage ».
L'auteur de La Belle Lurette, plus fripon que jamais, se
délecte des petits riens au hasard de ses chemins buissonniers et laisse
courir ses phrases coquines sur les « via », les « calle », et même sur
les « Vespa ». Il conclut : « Ce qui rend les voyages à peu près
inutiles, c'est que l'on se déplace toujours avec soi, avec les mêmes
pensées, le même passé, les mêmes ennuis. Où que l'on se trouve, on
n'est jamais seul. » La solitude à la Calet, ou le plaisir d'écrire au fil d'aventureuses balades.
Télérama 4/07/2009
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